top of page
  • Photo du rédacteurJean-Baptiste Chevalier

La protection fonctionnelle des élus locaux

Dernière mise à jour : 14 janv. 2019

Depuis une trentaine d’année, les élus locaux sont confrontés à un phénomène de pénalisation de la vie publique. Les causes de ce phénomène sont multiples, et ne tiennent pas seulement à l’évolution des comportements sociaux. Les réformes pénales et la politique judiciaire ont largement accompagné ce phénomène[1]. Un récent rapport a démontré qu’il s’agissait bien d’une tendance structurelle : en vingt ans, le nombre de poursuites engagées contre des élus locaux, en augmentation constante, a quasiment doublé[2]. Ainsi, au cours de la dernière mandature (2008-2014), plus de 1100 poursuites pénales ont été engagées contre des élus locaux, en augmentation de 72% par rapport à la précédente mandature (2001-2008)[3]. C’est ce phénomène de judiciarisation de la vie publique qui a, en grande partie, décidé le législateur à mettre en place un nouveau régime de protection fonctionnelle au profit des élus locaux.


Historiquement, les premiers éléments de la protection fonctionnelle des élus locaux sont apparus au cours de la seconde guerre mondiale, peu après le tout premier statut général des fonctionnaires[4]. En cette période trouble de l’histoire, alors que l’exercice des fonctions d’élu local devenait parfois périlleux, la loi du 3 novembre 1941 a rendu les communes civilement responsables des accidents subis dans l’exercice de leurs fonctions par les maires, leurs adjoints et les conseillers municipaux chargés de l’exécution d’un mandat spécial[5]. Ce dispositif, adopté sous le régime de Vichy et maintenu à la Libération[6], a par la suite été étendu à l’ensemble des élus locaux. Cependant, en dehors de cette hypothèse, le Conseil d’Etat a longtemps considéré comme illégale la prise en charge par les communes des frais de justice engagés par des maires victimes de diffamations, la défense de leur honneur et de leur réputation étant regardée comme une affaire purement personnelle[7]. Ce n’est finalement qu’en 1971, avec le célèbre arrêt Gillet[8], que le Conseil d’Etat a reconnu comme principe général du droit la protection due par les collectivités à leurs élus faisant l’objet de poursuites judiciaires.


Le régime de la protection fonctionnelle des élus locaux, qui demeurait lacunaire, a été profondément remanié au début des années 2000. La loi du 10 juillet 2000 a d’abord consacré l’obligation des collectivités d’accorder leur protection à leurs élus faisant l’objet de poursuites pénales à raison de faits non détachables de l’exercice de leurs fonctions[9]. La loi du 27 février 2002 a ensuite élargi le champ de cette protection fonctionnelle, en obligeant les collectivités à protéger également leurs élus « contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions » et à réparer les préjudices en résultant[10]. Cette protection a été étendue aux membres des familles des élus par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003[11]. Ce régime de protection fonctionnelle, qui veut permettre aux élus locaux de mieux faire face à la pénalisation de la vie publique, a depuis lors été largement précisé par la jurisprudence.


La présente étude tend à faire une synthèse de ce régime de protection fonctionnelle, en intégrant les dernières évolutions jurisprudentielles. Principalement destinée aux élus locaux et à leurs conseils, elle adoptera une approche résolument pratique. Dans une première partie, seront analysés les trois principaux mécanismes de protection des élus locaux : en cas de poursuites pénales, en cas de menaces, violences ou injures, et en cas d’accidents. La seconde partie analysera, d’une manière plus transversale, les différents aspects du régime de la protection fonctionnelle.


Lire l'intégralité de l'article dans : AJCT, nov. 2016, p. 566.


[1] v. sur ce point : La responsabilité pénale des décideurs publics : rapport au Garde des Sceaux, 16 décembre 1999, dir. Jean Massot, La Documentation française, coll. Rapports officiels.


[2] v. Le risque pénal des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux, Observatoire SMACL, Rapport annuel 2015, pp. 12 et s.


[3] Selon l’observatoire du SMACL, les trois quarts des poursuites engagées concernent des manquements présumés au devoir de probité (abus de biens sociaux, abus de confiance, favoritisme…) et des atteintes à l’honneur ou à la confiance (injures et diffamation, faux en écriture et usage de faux…).


[4] Statut édicté par la loi du 14 septembre 1941 portant statut général des fonctionnaires civils de l’Etat et des établissements publics de l’Etat, JOEF, 1er oct. 1941.


[5] Loi du 3 novembre 1941 relative à la responsabilité des communes, JOEF, 18 déc. 1941.


[6] Les dispositions des article 1 et 2 de la loi du 3 novembre 1941 ont été codifiée à l’article 70 du code de l’administration communale par l’ordonnance n°59-33 du 5 janvier 1959, avant d’être recodifiées à l’article L. 121-25 du code des communes, puis aux articles L. 2123-31 et L. 2123-33 du code général des collectivités territoriales.


[7] CE, 7 août 1900, Commune de Suresnes, Lebon 541 ; CE, Ass. 1er juillet 1932, Lallemand, Lebon 655 ; CE, Ass. 27 février 1942, Sieur Quilichini, Lebon 65.


[8] CE, 5 mai 1971, Sieur Gillet, n°79494, Lebon 323.


[9] Loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.


[10] Loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.


[11] Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

149 vues0 commentaire
bottom of page